Les COP sont-elles bonnes ou mauvaises ?

7 juillet 2025 | Claude Vaillancourt

Les Conférences des Parties, ou COP, qu'elles portent sur le climat ou la biodiversité, restent controversées. Certaines personnes les jugent indispensables pour combattre des problèmes majeurs à une échelle internationale, d'autres considèrent qu'elles lancent des paroles en l'air et qu'elles demeurent inefficaces, voire nuisibles. Qui donc a raison ?

L'égérie des jeunes militant·es, Greta Thunberg, ne s'est pas gênée pour prendre position pendant la COP 26 sur le climat à Glasgow. « Bla, bla, bla », a-t-elle lancé. Les COP ne sont que des opérations de relations publiques, elles ne servent qu'à maintenir le statu quo. Les faits, hélas, semblent lui donner raison. Personne ne peut affirmer que les mesures en provenance des COP pour combattre le réchauffement climatique sont suffisantes.

Pendant la COP 15 sur la biodiversité à Montréal en septembre 2022, la Coalition anticapitaliste et écologiste a été particulièrement active et s'est fait entendre notamment avec son slogan Fuck la COP. Si les manifestations qu'elle a organisées ne sont pas parvenues à bloquer l'événement, elle a réussi à bien diffuser son discours. Elle a fait ses devoirs en proposant un argumentaire bien développé qui méritait d'être entendu. Elle a dénoncé par exemple l'absence de résultat des COP précédentes, le capitalisme vert, le refus de s'attaquer de front à l'extractivisme.

Des COP au service des intérêts pétroliers

La présence des lobbyistes des compagnies pétrolières et gazières, surtout dans les COP sur le climat, a soulevé à juste titre d'importantes objections. Leur nombre est passé de 503 à la COP 27 de Glasgow à 636 à celle de Charm el-Cheikh. Dans les deux cas, il s'agit des délégations les plus nombreuses, toutes catégories confondues. Il est clair que des lobbyistes en si grand nombre pour défendre des intérêts économiques d'entreprises ultrapuissantes agissent efficacement pour retarder la transition écologique, donc pour détourner les COP de leur objectif.

Il faut s'attendre à pire pendant la prochaine COP qui se déroulera – tenez-vous bien – aux Émirats arabes unis, un État au régime autoritaire et une puissance pétrolière qui a un intérêt économique majeur à ce que l'on continue d'exploiter cette ressource (à court terme seulement, il faut le souligner). Le sultan Ahmed al-Jaber a été nommé président de l'événement, alors qu'il est à la fois ministre de l'industrie et des technologies du pays, et PDG du groupe Abu Dhabi National Oil Company (Groupe ADNOC). Or, la présidence d'un pareil événement ne consiste pas seulement à accueillir les invité·es : au contraire, elle a le pouvoir d'orienter les débats et de faire d'importants arbitrages. Comment un homme avec des fonctions en si évidente contradiction avec l'idée d'une transition écologique pourra-t-il y arriver ?

Disons-le franchement : cette 28 COP, qui se tiendra en décembre prochain, est perdue d'avance pour celles et ceux qui ont à cœur l'environnement et la justice climatique. Et ça, alors qu'on ne cesse de parler d'urgence climatique… Mais cela veut-il dire qu'il nous faut rejeter toutes les COP ?

N'oublions pas l'ONU

Rappelons que les grands événements qui ont suscité de vives oppositions chez les altermondialistes et les anticapitalistes pendant les vingt-cinq dernières années étaient planifiés par des acteurs dont on remettait aussi en cause la légitimé : l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale (BM), l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), les G7, le G20 et l'Union européenne (UE). Chacune de ces organisations souffre encore aujourd'hui d'un sérieux déficit démocratique. Elles se sont clairement mises au service des grandes entreprises capitalistes et ont permis un développement économique néocolonial permettant aux pays du Nord de perpétuer leur emprise sur les pays du Sud.

Les COP, par contre, se déroulent dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies (ONU). Certes, les critiques se sont aussi accumulées, à juste titre, contre cette organisation, qui n'a pas rempli ses promesses et souffre de plusieurs maux : mal-financement, incapacité d'agir, inégalités factuelles entre les membres. Sans oublier son Conseil de sécurité désuet et d'une terrifiante inefficacité.

Mais l'ONU reste aussi la seule organisation où tous les pays sont représentés, avec un fonctionnement bel et bien démocratique. Celui-ci a aussi ses failles, notamment son recours aux décisions par consensus, ce qui donne un pouvoir d'obstruction énorme à certains États et crée des jeux de pouvoir, notamment en faveur des pays les plus puissants. Mais ce consensus, avec tous ses inconvénients, assure aussi que les décisions soient mieux respectées. Et n'est-ce pas un mode de décision que l'on retrouve aussi, assez fréquemment, au sein des mouvements sociaux ?

L'ONU est donc ce qui se rapproche le plus d'une forme de gouvernement mondial. Certes, l'idée même d'un tel projet peut paraitre rébarbative à plusieurs. Mais il faut d'importantes concertations internationales pour assurer la justice climatique, pour combattre les inégalités entre le Nord et le Sud et pour maintenir la paix dans le monde, ce qui ne peut se faire qu'à travers une – ou plusieurs – organisation où tous les pays sont impliqués. Le fait que l'ONU soit à l'origine des COP, qu'elle y reconduise sa propre démocratie, avec toutes les imperfections de ce système, en fait donc une organisation qui peut se targuer d'une véritable légitimité.

Le hic avec le réchauffement climatique et les atteintes à la biodiversité, c'est que rien ne peut véritablement se régler juste à l'échelle des États ou des communautés. Le mal se fait en se fichant éperdument des frontières, et si un pays, si des groupes de citoyen·nes développent des modèles vertueux, des innovations remarquables pour se lancer dans une transition juste, ces efforts ne mèneront à aucune amélioration globale si d'autres agissent en sens contraire.

Voilà pourquoi, malgré tous leurs défauts et vices de fonctionnement, les COP ont toujours leur utilité. Sans espaces de la sorte, où l'on peut pendant plusieurs jours par année maintenir un dialogue entre les pays, tout cela préparé par un travail considérable, continu et étoffé entre les conférences, où l'on peut mettre en place des mesures significatives qui affecteront la planète tout entière, la bataille contre le réchauffement climatique et pour la préservation de la biodiversité sera perdue.

Deux problèmes majeurs restent à régler. D'abord, l'infiltration mentionnée de grandes entreprises qui défendent le contraire de ce qu'il faut pour entreprendre la transition écologique. Mais il importe aussi de mentionner toutes les autres qui prétendent être en faveur du changement, qui profitent de l'occasion pour se montrer championnes de l'écoblanchiment et d'ardentes défenderesses du capitalisme vert, des manières plus subtiles d'empêcher des progrès significatifs. Les grandes firmes liées à des intérêts commerciaux ne devraient pas avoir accès aux COP, ni comme lobbyistes ni comme entreprises qui paient pour afficher leurs marques et tenir des kiosques pendant ces événements.

Le second problème est plus complexe et plus difficile à résoudre. Que faire de ces pays, comme la Chine, l'Australie, et dans une certaine mesure, le Canada, qui refusent de collaborer et qui jugent que réduire de façon significative leur consommation d'hydrocarbures serait catastrophique pour leur économie ? Comment, par exemple, prôner la fin de l'usage particulièrement nocif du charbon, comme on l'a fait à la COP 26, alors que des pays producteurs comme ceux mentionnés plus haut, mais aussi l'Inde, la Russie et les États-Unis, jugent important de continuer à l'exploiter ?

L'union des forces de la transformation

Contre ces forces négatives, il est important de maintenir une solide opposition en provenances tant des scientifiques que du mouvement social, dans une large coalition qui rassemble même des opposant·es ou des sceptiques face aux COP : rappeler l'inefficacité des rencontres antérieures, révéler les dangers de l'actuelle inaction fait aussi partie des stratégies pour pousser les décideurs à prendre des actions vraiment significatives. Et ces élu·es et chef·fes d'État, qu'on les estime ou pas, qu'on les reconnaisse ou pas, ont véritablement entre leurs mains des moyens incontournables pour faire changer les choses.

En ce sens, la dernière COP sur la biodiversité, avec son Cadre mondial sur la biodiversité de Kumming à Montréal, a peut-être permis de réaliser ce type d'alliance. Le résultat est non négligeable : protection d'au moins 30 % des terres et des eaux, reconnaissance des savoirs autochtones, réduction de moitié des risques liés aux pesticides, aide financière aux pays en développement (jugée insuffisante, il est important de le mentionner), entre autres.

Certes, il faudra voir comment ces décisions seront appliquées. Ces dernières nécessitent des coûts importants et une véritable volonté politique de les mettre en place, et cela, souvent contre l'intérêt des grands lobbys. Il faut aussi se rappeler que la biodiversité suscite moins d'intérêt et est moins considérée comme une menace de la part des grandes firmes polluantes que la lutte contre le réchauffement climatique, et que ces dernières étaient moins présentes à Montréal. Leur capacité de nuire a donc été moins grande pour l'occasion. Mais pour combien de temps encore ?

Malgré tous leurs défauts, en pensant aux COP, il faut se concentrer sur ce pourquoi on les a mises en place, plutôt que sur ce qu'on en a fait dans le passé. Il est important pour le mouvement social de les investir en plus grand nombre encore, de bloquer la voie aux grandes firmes qui y règnent en maitres, de ne jamais perdre le statut d'observateur et rendre compte de ce qui s'y déroule, de rappeler la nécessité d'écouter la voix des scientifiques et de continuer à faire connaitre les innombrables propositions pour effectuer une véritable transition socioécologique. Il lui faut constamment garder en vue l'objectif incontournable de la justice climatique.

Pour cela, il faut y être, oui, à ces COP, l'extérieur comme à l'intérieur des lieux officiels de rencontre, ne jamais cesser la pression concernant cet enjeu vital pour l'humanité.

Illustration (monoprint) : Elisabeth Doyon

 Site référencé:  À babord !

À babord ! 

Saguenay - Nitassinan : les anarchistes repensent le communautaire
7/07/2025
Caribous et vieilles forêts, même combat !
7/07/2025
Se faire voler sa fertilité
7/07/2025
Ce que la migration temporaire de main-d'oeuvre dit de nous
7/07/2025
La mort. Territoire politique et enjeu de pouvoir
30/06/2025
Le travail est-il mortel ?
30/06/2025